C’était une journée qui, sur le papier, devait être des plus banales.
Au programme : aller chez la soeurette faire quelques travaux pour lesquels je ne suis pas du tout qualifié (au moins j’essaie), donner une séance de coaching, aller déposer Elikya chez la daronne et aller au cinéma voir Black Panther avec Nox. Une journée pour le moins très familiale.
Comme à mon habitude, je me suis levé trop tard et n’ai pas eu le temps de manger cet ananas que j’ai coupé la veille en me réjouissant d’arriver au lendemain. A peine le temps de faire le petit déj’ de la petite, de lui mettre Moana, me débarbouiller le grand corps et enfin arriver pas trop en retard à ma première étape. Pour faire court, vraiment une journée comme les autres…en tous cas sur le papier.
Pendant la semaine, whatsapp, facebook, twitter et consort se sont emportés dans une tornade noire ou devrais-je dire black pour ne pas être trop direct ? Avec les restes de raclette dont je peine à me défaire difficile de marcher sur des oeufs.
Entre ceux qui ordonnaient aux autres d’aller voir le dernier Marvel en habits traditionnels africains et ceux qui montaient au créneau en s’encoublant dans des métaphores animalières pour décrire un film qui ne fait mal, en fait, qu’à ceux qui ne sont pas à l’aise dans leur slip, je me trouvais là au milieu de tout ça. L’œil vide rivé sur mon nombril me demandant si vraiment un bout de mon cordon ombilical pendait encore. Comme cet amputé qui sent encore sa jambe. J’étais là calme enivré par mes souvenirs d’enfance.
Pour des raisons qui m’échappent cette semaine j’ai souvent pensé au petit garçon que j’étais. Je me revoyais dans ma chambre m’ennuyer, regarder par la fenêtre et me laisser partir dans un monde parallèle dans lequel le possible fait loi.
Par moments, la nausée et l’euphorie ont tapissé le papier peint de ma cellule mentale. C’est bon de rêver c’est bon de s’élever c’est bas de saliver c’est bien de se laver l’esprit comme disait l’autre. Oui cette semaine j’étais avec ce petit garçon. Je l’ai écouté me raconter ces histoires imaginaires qu’il n’arrivait pas à terminer parce qu’il manquait quelque chose. Lui, Wetu le troisième fils de Badi….
J’ai passé le plus clair de ma semaine en pilote automatique à assurer le minimum et à me projeter dans le passé. Oui me projeter dans le passé, dans cette constellation émotionnelle qui éclaire chaque pas de ma vie. Sans mes émotions qui suis-je ?
« Ta montre est belle mais tu n’as pas la notion du temps » cette phrase m’a hanté toute la semaine. Elle m’a réveillé avant mon insomnie habituelle, s’est infligée à mon emploi du temps quand je m’essoufflais à satisfaire l’aiguille et ses soixante soubresauts.
Vous l’aurez compris je suis arrivé dans le cinéma avec un état d’esprit singulier.
En pensées avec mon frère qui adorait les Marvel et autres film de science-fiction. Caresser la boule au ventre, serrer les dents, serrer le poing et le frapper sur sa poitrine, derrière moi ils sont des milliers en rang et ma puissance est belle.
Sans spoiler le film, dès les premières scènes j’avais l’impression qu’on me soufflait sur une plaie intérieure. Voir des acteurs et actrices noirs beaux dans leur manière d’être, sans avoir à chercher à satisfaire un cliché fantasmagorique, m’a fait du bien. Tout au long du film, le petit garçon que j’étais jubilais et se disait que son histoire imaginaire pourrait piocher les éléments manquants dans ce qui défilait devant lui.
Comme un massage de l’âme triturée par les modèles des autres, le film a remis une chose importante au milieu de mon monde ; l’imaginaire du petit Wetu.
N’en déplaise aux têtus schizophrènes qui considèrent qu’être pro-black signifie être anti-blancs, ce film devrait être remboursé par la sécu et c’est à eux de gérer cette équivalence complexe…plus à nous.
BP fait du bien là où on se l’accorde. Merci Ryan Coogler.
J’ai vibré avec les percussions antibiotiques qui m’ont rappelé qu’être touché au plus profond de moi par ce qui se passait à Wakanda n’avait rien d’anodin. Moi qui a été élevé par ma mère et mes tantines je n’ai pu m’empêcher de faire le lien avec le roi T’Challa qui a pour garde rapprochée des femmes fortes prêtes à bondir pour le protéger. Aujourd’hui la majorité de mes tantines ne sont plus et à l’heure où je couche ces quelques mots j’écoute the story behind the pain de Tumi, rien d’anodin.
A la fin du film, je suis resté assis ancré dans mon fauteuil pour lire jusqu’à la dernière ligne du générique histoire de laisser le temps au grand corps de se remettre en marche. Enfin je me suis levé, j’ai remis mon capuchon sur le crane échaudé et me suis rendu aux toilettes comme si j’y avais rendez-vous. En me lavant les mains j’ai aperçu ce petit garçon dans le miroir. Il m’a dit qu’il retournait dans sa chambre pour finir son histoire imaginaire d’un air pressé et déterminé.
Merci à Nox de m’avoir extirpé de mon voyage intérieur qui tournait en boucle.
Entre être et avoir je crois avoir choisi. Je ne veux pas avoir la même tenue que le roi T’Challa ou la même voiture ou encore le même royaume. Le petit Wetu est le roi T’Challa avec son armée de tantines et c’est je crois que la beauté de ce film. Il réconcilie l’imaginaire à l’indispensable et montre une Afrique que beaucoup envisagent et vivent comme une terre de respect, positive et belle.
Sans oublier que la bande son est signée par celui qui me rassure en tout temps pour me marteler que We gon’ be aaaaalright mister Kendrick Lamar. La ville est tranquille et ça remue de l’intérieur…là où on aime.
Oui c’est bon de rêver, c’est bon se laver l’esprit surtout quand c’est du F.U.B.U unapologetic.
A la relecture de ce texte je suis surpris de voir que Nox, Wetu, Wakanda, T’Challa sont soulignés en rouge par mon correcteur automatique. Couleur rouge sang, couleur de la terre battue, je souris, serre le poing et le pose sur le cœur. Merci à Microsoft de souligner le plus important.
Wetu de Wakanda tin-tin-tin !
PS : une question tout de même, mais où est Idris Elba ?!
Idris Elba est avec Thor 🙂
Super texte, merci !
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